Par Ian Taylor, B.Sc.
Avant l’avènement de la télévision, les lecteurs frissonnaient en lisant le classique de Sir Arthur Conan Doyle, The Lost World (Le monde perdu). D’abord publié en 1912, le livre est toujours édité, tandis qu’une version filmée passe de temps à autres pour le plaisir des téléphiles insomniaques. Dans cette aventure épique, le professeur Challenger et son équipe sont conduits en Amérique du Sud où ils découvrent un pays isolé sur un haut plateau entouré de tous les côtés de falaises escarpées. La flore et la faune y ont été préservées sans changement depuis l’aube des temps, et dans la jungle vierge, les explorateurs rencontrent des hommes des cavernes, l’Iguanodon et d’autres dinosauriens.
Les membres de l’expédition de Challenger réussissent finalement à s’échapper et à retourner présenter leurs découvertes à l’élite scientifique dans le “Queen’s Hall” du prestigieux “Zoological Institute”. Mais on ne réserve malheureusement au récit du bon professeur concernant les hommes des cavernes et les dinosaures que dédain non voilé et dérision. Le point tournant de l’histoire se présente presque à la toute fin du livre alors que Challenger demande que l’on ouvre une grosse boîte de bois. Le calme de l’auditorium bondé est soudainement rompu lorsqu’une créature à l’odeur fétide d’une envergure d’ailes de 2 mètres s’envole et passe au-dessus de la tête des spectateurs effrayés pour finalement s’enfuir par une fenêtre ouverte. C’est un ptérodactyle. Les experts confondus regagnent leur contenance. Le statut de Challenger dans la communauté scientifique est rapidement changé de déchu à héroïque : une histoire qui finit bien. Bien entendu, tout cela n’était que fiction. Ayant trempé dans l’occulte pendant plusieurs années, Sir Conan Doyle était bien au fait des attitudes de la communauté scientifique face à tout ce qui porte atteinte à son système de croyance. Sa fiction reflétait exactement cette réalité.
La popularité du Monde perdu de Conan Doyle et des autres fictions similaires n’est que partiellement due au fait qu’on y rencontre des créatures plus grandes que nature du règne animal dans un scénario de haute aventure. L’aspect important, c’est que l’homme moderne est confronté à des créatures monstrueuses qu’on croit disparues depuis des millions d’années. On le perçoit comme un “mystère” et cela fournit un aspect fascinant pour le lecteur moyen; de plus, la fascination est entretenue par un désir subconscient que l’histoire soit véridique. Effectivement, le succès de Conan Doyle tient en bonne partie à ce qu’il a habilement conduit son histoire comme s’il s’agissait d’une aventure vécue. Un examen plus attentif fait découvrir que la fascination est de fait une réaction du psychisme et est ainsi de nature essentiellement spirituelle. Pour commencer, notons que c’est seulement l’opinion humaine qui a décidé quels animaux étaient disparus. Comme nous le verrons, il y a eu des cas, même ces dernières années, où on a découvert des troupeaux de créatures que les manuels présentaient comme disparues depuis des millénaires. Les académiciens étaient manifestement dans l’erreur dans ces cas-là, et ils pourraient bien se tromper dans d’autres.
Cependant, la théorie de l’évolution requiert un “Âge des reptiles”, qui inclut tous les dinosaures, et on prétend qu’ils ont disparu il y a non pas des milliers d’années, mais des millions d’années. On pourrait rappeler qu’on a imposé ces énormes périodes de temps au système de croyance du public au siècle dernier seulement ; aujourd’hui ces idées sont renforcées par la “dinosauromanie” qui offre tout bonnement l’opportunité d’accentuer les millions d’années. L’effet a été et est toujours d’éloigner le Créateur de sa création. Cependant, lorsque la fiction ou mieux, des rapports authentiques, font mention de créatures vivantes de l’Âge des reptiles, on met soudainement en doute ces énormes étendues de temps. Le Créateur est aussitôt rapproché de sa création, et l’origine et la destinée de l’homme reprennent de leur signification. On s’étonne peu que le souhait subconscient du lecteur soit souvent que ces écrits soit vrais, tandis que les rapports authentiques, quand du moins on les rapporte, sont le sujet du profond mépris académique. Il est à souhaiter que le lecteur puisse faire l’expérience de cette “fermeture du cadre du temps” mentale avec les exemples suivants.
Lorsqu’on déterra, au début des années 1800, les ossements du mastodonte américain, animal apparenté au mammouth de Sibérie, on croyait que ces animaux n’avaient connu l’extinction que récemment. L’évidence accumulée appuie effectivement cette vue. Par exemple, Johnson (1952) montre que les mastodontes étaient encore dans la mémoire récente de bien des tribus indiennes d’Amérique du Nord, tandis que Newman, écrivant en 1873, rapporte le récit d’un témoin touchant un troupeau de mammouth vivant en Sibérie. Avec la découverte des fameuses peintures rupestres de mammouths de Les Camparelles en France, même les sceptiques les plus endurcis durent accepter que le mammouth était contemporain de “l’homme intelligent”. On fit alors remonter l’extinction de cet animal à quelques milliers d’années plutôt qu’aux millions d’années qu’on aurait probablement attribuées autrement. Voilà pour ce qui est du mammouth, une grosse bête impressionnante, mais dont la fascination pour le lecteur moderne n’est pas tout à fait celle évoquée par les dinosaures.
Contemporain du mammouth, il y a cet animal de la grosseur du cheval et apparenté à la girafe, connu d’après son fossile comme Paleotragus. On l’avait dit disparu à la période de Pléistocène, il y a quelque 30 000 ans. En 1901, des troupeaux vivants de cet animal furent découverts en Afrique centrale ; on lui donna le nom de Okapi johnsoni. Un cas similaire fut rapporté plus récemment touchant un pécari ou porc sauvage connu comme Catagonus wagneri, disparu, disait-on, depuis l’ère du Pléistocène. Un grand troupeau fut découvert au Paraguay en 1975 (Wetzel 1975) ; on l’a renommé Catagonus ameghina. Aucun de ces animaux n’était de l’Âge des reptiles et leur découverte n’a pas entraîné beaucoup de controverse. Cependant, lorsqu’il s’agit de ce qui est perçu comme des “monstres”, l’intérêt du public s’éveille généralement ; le premier exemple est celui du “monstre marin”.
Herman Melville était un observateur extrêmement méticuleux de l’histoire naturelle marine. Dans son œuvre bien connue Moby Dick, écrite en 1851, il a décrit une rencontre avec une pieuvre géante des milieux marins ; une grosse masse pulpeuse de furlongs de longueur et de largeur, de couleur crème étincelant, flottant sur l’eau. Lorsqu’on se rappelle qu’un furlong représente 201 mètres, on est porté à penser que Melville exagérait un peu. Peut-être bien, mais en décembre 1896, un morceau d’une très grosse créature marine a été retrouvé échoué sur la rive de la côté Est de la Floride. On a pensé qu’il s’agissait d’un octopus et on lui donna le nom de Octopus giganteus verril. Ce ne fut qu’en 1971 qu’une analyse montra qu’il s’agissait effectivement d’un octopus. Les bras, avait-on rapporté à l’époque, mesuraient à la base quelques 46 centimètres de diamètre et étaient d’une longueur renversante de 32 mètres donnant à la créature un diamètre de 64 mètres (Wood et Gennaro 1971).
Le Coelacanth est réputé être de l’Âge des reptiles ; il s’agit d’un gros poisson avec des nageoires particulières ayant l’apparence de “pattes” primitives (ce sont réellement des nageoires). Il était connu par son fossile et on disait qu’il avait disparu voilà 70 millions d’années. Il n’est donc pas surprenant que la nouvelle qu’un spécimen vivant ait été repêché des profondeurs de la fosse de Madagascar en décembre 1938 ait d’abord été reçue avec un certain scepticisme. La persistance initiale du docteur Courtney-Latimer et les efforts solitaires du docteur J.B.L. Smith (1956) pendant les quatorze années qui suivirent, ont amené à la découverte d’un autre spécimen. La reconnaissance de la découverte s’est traduite par le nom formel de Coelacath latimeria qu’on a donné au poisson. Un certain nombre de spécimens ont été capturés et étudiés depuis. Mais la question agaçante demeure : Comment une colonie de ces “fossiles vivants” a-t-elle pu demeurer inchangée pendant 70 millions d’années?
De toutes les créatures possibles, les gros dinosaures servent le mieux d’exemples de l’Âge des reptiles. Et en fonction de l’autorité qu’on choisit de croire, on les estime disparus depuis 65 à 100 millions d’années. Toute suggestion que ces créatures aient vécu aux temps historiques ou que quelques-unes soient encore vivantes aujourd’hui est accueillie avec le plus grand scepticisme. L’historien grec Hérodote, écrivant au cinquième siècle avant Jésus-Christ, a fait part de ses enquêtes sur les “serpents ailés d’Arabie” (Livre II, chap. 75-76). Il a vu de grands amoncellements de leurs ossements et ses descriptions de ces créatures vivantes donnent à penser que ces serpents ailés comme des chauves-souris étaient des ptérodactyles. À la lumière des comptes rendus du zoologiste belge Bernard Heuvelmans (1959) et plus récemment de ceux de Roy Mackal (1980) de l’Université de Chicago, il est évident que les autorités compétentes ont de bonnes raisons de croire que des ptérodactyles vivants, avec des envergures d’ailes allant jusqu’à 2 mètres, existent réellement aujourd’hui dans les jungles de la Rhodésie du Nord. Les indigènes appellent ces créatures Kongamato. Cependant, la peur du mépris est telle que peu de scientifiques occidentaux sont disposés à discuter de cette évidence avec d’autres de leurs collègues de même croyance.
Le docteur Mackal est également convaincu qu’il y a évidence suffisante, à partir d’une variété de sources indigènes, pour croire que des spécimens vivants de Diplodocus existent dans les marais du Cameroun, en Afrique de l’Ouest. Connu sous divers noms selon la tribu interviewée, on y fait généralement référence maintenant sous le nom de Mokéle-mbêmbe. Il s’agirait d’une énorme créature semblable au Brontosaure à côté de laquelle l’éléphant paraîtrait nain. Cependant, advenant qu’une expédition chanceuse découvre l’une de ces créatures, il resterait le problème d’en faire la preuve au reste de la communauté scientifique. Il est évidemment hors de question de penser capturer un spécimen vivant, et les photographies et même les films peuvent être aisément truqués ; en effet, il y aurait tentation de faire exactement cela pour récupérer les pertes financières d’une expédition qui s’avérerait infructueuse. Comme pour ce qui est des efforts pour retrouver l’Arche de Noé, la preuve n’est pas une question simple, et jusqu’à ce jour de telles choses appartiennent au domaine de la foi.
Références
Doyle, Arthur Conan. 1912. The Lost World. London : Hodder and Stoughton.
Heuvelmans, Bernard. 1959. On the Track of Unknown Animals. New York : Hill and Wang.
Johnson, Ludwell. 1952. Men and Elephants in America. The scientific Monthly (Washington) 75 : 215-221.
Koster, John. 1977. Creature Feature. Oceans (San Francisco) 10: 56-59.
Mackal, Roy P. 1977. Searching for Hidden Animals. New York : Doubleday.
Melville, Herman. 1962. Moby Dick; or The White Whale. New York : Hendricks House.
Newman, Edward. 1873. The Mammoth Still in the Land of the Living. Zoologist (London) Série 2:8:3731-3733.
Smith, James L.B. 1956. Old Fourlegs. London : Longmans Green.
Wetzel, R.M. et al. 1975. Catagonus, an extinct peccary. Science (Washington) 189:379.
Wood, F.G. et J.F. Gennaro. 1971. An Octopus Trilogy. Natural History (New York). 80:15-24.
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