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Embryologie et Évolution

Dernière mise à jour : 16 janv. 2023

Par Julien Perreault, B.Sc.

Ernst Haeckel
Ernst Haeckel

Vers la fin du 19e siècle, époque où la théorie de Darwin (dite théorie de l’évolution) fut popularisée, Ernst Haeckel (1874), biologiste allemand, publia un ouvrage dans lequel il démontrait que les embryons d’espèces différentes se ressemblaient beaucoup aux premiers stades de développement embryonnaire et que des différences apparaissaient et s’accentuaient dans les derniers stades.


Haeckel croyait que le développement embryonnaire d’une espèce donnée retraçait l’histoire évolutive de cette espèce. La théorie de Darwin prédisait que les différentes espèces que nous connaissons sont apparues par modification de leurs ancêtres due à la sélection naturelle et le hasard. Haeckel chercha à démontrer ce concept par l’étude du développement embryonnaire. Il supposa que les modifications subies par une espèce au cours de son évolution s’exprimaient dans les premières étapes de son développement embryonnaire ou stade phylotypique. Pour Haeckel, ce stade phylotypique représentait le tronc commun du développement embryonnaire par lequel toutes les espèces passaient obligatoirement. Ce passage par les mêmes stades embryonnaires permettrait ainsi d’affirmer que ces espèces proviennent d’un ancêtre commun. Ce principe fut résumé dans la célèbre formule suivante: l’ontogenèse résume la phylogenèse. Pour appuyer cette formule, Haeckel réalisa et compara des schémas d’embryons de différentes espèces de Vertébrés. Les ressemblances étaient frappantes au point qu’on eut rapidement des doutes sur ces fameux dessins, avec raison.


Ce que Darwin en pensait Charles Darwin, fondateur de la théorie de l’évolution, a fait plusieurs références aux résultats des études menées en embryologie pour appuyer sa théorie. Il considérait que l’embryologie était une preuve convaincante en faveur de l’évolution des espèces : “…Selon moi, l’embryologie est de loin la classe de faits le plus en faveur d’un changement des formes…“» ¹.


Il est probable aussi, d’après ce que nous savons sur les embryons des Mammifères, des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons, que ces animaux sont les descendants modifiés de quelque forme ancienne… ². On voit clairement que Darwin semblait convaincu que l’embryologie prouvait sa théorie. L’extrait « ce que nous savons sur les embryons … » pourrait être traduit aujourd’hui par « les dessins frauduleux de Haeckel … ». En fait, Darwin était en train de fonder sa théorie sur une base fausse. Les vraies images d’embryons de différentes espèces nous révèlent une réalité qui n’est pas l’image que Darwin s’était fait de l’embryologie.


Les dessins de Haeckel


Le principe « l’ontogenèse résume la phylogenèse » (en d’autres termes, le développement embryonnaire résume l’histoire évolutive) a été rapidement rejeté, mais l’idée d’ancêtre commun qui en était résultée persiste toujours. Cette idée persiste car les évolutionnistes maintiennent que les embryons précoces de Vertébrés se ressemblent beaucoup et que les différences s’accentuent par la suite. Malheureusement, il semble que la base de cette conviction est erronée.


Suite à la publication de Haeckel (1874), des biologistes ont commencé à critiquer la validité des dessins qui y figuraient. Haeckel a été obligé d’admettre que « un petit nombre (6 à 8 %) de mes dessins d’embryons sont des faux, […] ». En fait, c’est beaucoup plus, car Haeckel s’était contenté de reproduire l’embryon d’une tortue huit fois avec de légères modifications pour illustrer les premières étapes du développement embryonnaire ! Le lecteur regarde donc huit schémas d’un embryon de tortue et il pense que ce sont huit espèces différentes ! Cette supercherie a été mise à nue dans de nombreuses revues scientifiques à tel point que l’argument embryologique n’est plus utilisé dans les études phylogénétiques.


Cependant, ce qui est étonnant, c’est que cette supercherie ait été conservée dans les manuels scolaires de biologie jusqu’à aujourd’hui comme une preuve éclatante de la théorie de l’évolution. Dans un article publié par Scientific American en 1998, Michael Richardson³, professeur d’anatomie et de biologie du développement à la faculté de Médecine de l’Hôpital Saint-George à Londres déclare ceci : « Pourquoi les dessins de Haeckel ont-ils continué à être reproduits dans de nombreux ouvrages de référence en embryologie, publiés au XXe siècle? Parce que de moins en moins de biologistes parlent Allemand, les rares germanophones n’ont pas lu les confessions de Haeckel, et que l’embryologie comparative a été progressivement négligée au profit de l’embryologie expérimentale et de la génétique ».


Certains fervents défenseurs de la théorie de l’évolution sont aveuglés au point de refuser de retirer ces dessins de leur ouvrage. La raison qu’ils évoquent est que les dessins ne sont pas exacts mais représentent tout de même un phénomène vrai (mais lequel ?) : les embryons se ressemblent beaucoup. Certains m’ont même répondu que de toute façon, dans la réalité, les ressemblances sont encore plus apparentes ! Je vous laisse en juger [voir figure 1 et figure 2].

Figure 1 : les dessins de Haeckel
Figure 1 : les dessins de Haeckel

Figure 2: La deuxième rangée sont les photos actuelles. La différence est évidente.
Figure 2: La deuxième rangée sont les photos actuelles. La différence est évidente.

M. Richardson n’est pas d’accord avec ce genre d’affirmation : « Haeckel a donné une vision fausse du développement embryonnaire, mais sa supercherie va plus loin. Ses dessins contiennent tant d’erreurs qu’il ne s’était certainement pas contenté de reproduire de vrais embryons. Par exemple, tous les embryons qu’il a dessinés sur la ligne supérieure de la planche reproduite sur la figure 1 sont dépourvus de membres et de nageoires, alors que ces structures sont bel et bien présentes sur les embryons au stade dessiné. Les embryons précoces ne sont pas les seuls erronés : le poisson adulte a quatre paires de branchies au lieu de cinq en réalité, il a le museau d’un mammifère et surtout, il a les nageoires d’un poisson d’une autre espèce. C’est un poisson-puzzle dont les pièces proviennent d’espèces différentes ».


D’autres problèmes ?


Les dessins sont faux, c’est clair. Il y a plus, l’échantillon présenté est biaisé. Haeckel a choisi des espèces provenant de 5 des 7 classes de Vertébrés. Il a omis de représenter les poissons sans mâchoire et les poissons cartilagineux. Un seul groupe de Mammifères (les Placentaires) est représenté, évitant le groupe des Aplacentaires tels que les marsupiaux.


On se rend compte que Haeckel acceptait l’évolution à priori et choisissait ensuite un échantillon qui semblait correspondre à ce qu’il pensait être vrai, n’hésitant pas à forcer la plume. Ce qui discrédite complètement l’argument embryologique comme preuve de l’évolution biologique est que plusieurs étapes importantes du développement embryonnaire sont passées sous silence. Ce que Haeckel et Darwin appelaient le début du développement embryonnaire est en fait le point à mi-chemin. Ceci met dans l’embarras les évolutionnistes puisque l’argument embryologique tient sur l’affirmation que « les embryons de différentes espèces se ressemblent beaucoup au début du développement embryonnaire et de moins en moins au fur et à mesure que l’embryon se développe davantage ». La réalité est que les « vraies » premières étapes démontrent des différences flagrantes du point de vue forme, grosseur et modes de développement.


Déjà, lors de la fécondation de l’œuf, des différences de forme et de grosseur apparaissent. Par exemple, l’œuf fertilisé d’un humain est de 10 à 40 fois plus petit que celui d’autres Vertébrés tels que le poisson, la grenouille, la tortue ou la poule. Ensuite, s’amorcent d’autres étapes importantes : les divisions cellulaires successives et la gastrulation. Durant ces divisions, la cellule-œuf se divise en 2, puis en 4, 8, 16, 32, etc. sans que la masse totale (ni le volume) n’augmente beaucoup. À la fin du cycle des divisions (stade Morula), les cellules commencent à bouger et la masse cellulaire se réarrange, c’est la gastrulation. La manière dont les couches cellulaires se développent lors des divisions et la forme de la masse cellulaire (Morula) sont très différentes d’une espèce à l’autre. De plus, le mouvement des cellulaires qui s’effectue lors de la gastrulation est aussi très variable au sein du groupe des Vertébrés.


Mais, si toutes ces espèces proviennent du même ancêtre commun, ne devrions-nous pas voir des ressemblances de grosseurs et de formes et aussi une similitude apparente dans le développement de la masse cellulaire et le mouvement des cellules lors de la gastrulation ? L’étape présentée par Haeckel vient après les divisions cellulaires de l’œuf fécondé et la gastrulation. Haeckel a donc non seulement choisi les espèces pour sa comparaison, n’hésitant pas à forcer les ressemblances à l’intérieur même de cet échantillon biaisé, mais il a aussi pris soin de bien choisir le « bout » du développement embryonnaire qu’il illustrerait !


Dès l’époque de Darwin, les embryologistes ont commencé à démentir les propos selon lesquels les embryons précoces de différentes espèces étaient très semblables. Par exemple, l’embryologiste Adam Sedgwick affirmait en 1894 que la loi de von Baer (similarité au début du développement embryonnaire et différences par la suite) «ne s’accorde pas avec les faits du développement.» En comparant un chien de mer avec une volaille, par exemple un poulet, Sedgwick écrit :


« Il n’y a aucune étape de développement qu’un œil nu ne saurait facilement distinguer… Si la loi de von Baer a une quelconque signification, elle doit certainement impliquer que des animaux aussi étroitement apparentés tels que le coq et le canard ne pourraient pas être distingués à une étape précoce du développement ; … pourtant je sais distinguer un embryon de coq d’un embryon de canard dès le second jour… Je dois donc dire qu’au regard de ce qui précède, chaque espèce est distincte et elle peut être aisément différentiée d’une autre espèce très apparentée à partir des toutes premières étapes du développement embryonnaire »


Les embryologistes modernes confirment ces faits. William Ballard (1976) a écrit que c’est « seulement par des tournures sémantiques et une sélection subjective de l’évidence et en faisant plier les faits de la nature, que l’on peut s’obstiner à dire que les stades de divisions cellulaires et de la gastrulation des Vertébrés sont plus ressemblants que leurs adultes ».


En 1987, Richard Elinson rapportait que les grenouilles, les poules et les souris « sont radicalement différentes dans des caractéristiques fondamentales telles que la taille de l’œuf, les mécanismes de fertilisation, les modes de divisions et les mouvements de gastrulation ».


Après considération de ces faits, on peut se demander si l’embryologie doit toujours être aujourd’hui en 2003, une discipline scientifique qui appuie l’évolution…On peut aussi se questionner sur le fait que les dessins de Haeckel se retrouvent dans beaucoup de manuels scolaires de biologie et soient repris ici et là sur Internet et dans de récentes publications évolutionnistes.


Stephen Jay Gould déclarait en mars 2000 : « Nous avons le droit, je pense d’être aussi surpris qu’embarrassés par ce siècle de recyclage insensé qui a mené à la persistance de ces esquisses en grand nombre, si ce n’est pas en majorité, dans les manuels scolaires modernes »


Références

  1. « The Life and Letters of Charles Darwin » (Volume II) by Charles Darwin edited by Francis Darwin

  2. Darwin, Charles, Origine des espèces, 1871 (http://site.ifrance.com/hibouq/Sci-et-tec/biologie/Nature/Darwin/Tabledesmatieres.html)

  3. Richardson, Michael, « Une fraude en embryologie » Pour la Science, no. 247, ( mai 1998) – http://www.pourlascience.com/php/pls/article_integral.php?idn3=1852

  4. Sedgewick, Adam, Quarterly Journal of Microscopical Science 36 (1894), pp. 35-52

  5. Ballard, William w., « Problems of gastrulation: real and verbal » BioScience 26 (1976) pp. 36-39.

  6. Elinson, R. P. change in Develpmental Patterns : Embryos of Amphibians with Large Eggs. In Development as an Evolutionary Process, ed. R. A. Raff and E. C. Raff, Vol 8, pp 1-21.

  7. Evolutionary Biology (1998) par Douglas Futuyma un biologiste évolutionniste connu. Aussi, voir le livre Miroir du Monde (2000) par Cyrille Barrette.

  8. Stephen Jay Gould, “Abscheulich! Atrocious!” Natural History (Mars 2000) pp. 42-49.

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