top of page
Colorful Books

L’invention de la terre plate

Dernière mise à jour : 10 janv. 2023

Adaptation du livre du même titre Prof. J.B. Russel par Ian Taylor


Il existe de bonnes raisons pour lesquelles les cours d’histoire sont généralement sans intérêt. Presque tous les événements dans l’histoire, surtout ceux de l’histoire européenne avaient pour motifs des causes religieuses : les musulmans massacraient les catholiques, les catholiques tuaient les protestants, les protestants massacraient les catholiques et tous les partis persécutaient les juifs. Durant le dernier siècle, les écoles étaient dirigées par des autorités religieuses et les enfants allaient aux écoles qui répondaient aux croyances de leurs parents. Il est vrai qu’il y avait des préjugés mais il n’y avait pas de conflit à l’intérieur de l’école. Lorsque les gouvernements ont pris contrôle de l’éducation publique, les enfants des diverses croyances ont été mis dans les mêmes classes. Pour éviter les conflits, les autorités ont discrètement enlevé toute mention de religion dans la majorité des textes et ce processus continue jusqu’à ce jour. Il devint alors difficile de déterminer qui a persécuté qui. Donc l’histoire est présentée comme une série de faits épars : qui, quand, où, mais rarement pourquoi. Le sujet cesse alors d’attirer l’attention et sombre vite dans l’oubli.


Les omissions historiques sont déjà assez graves, mais il y a eu aussi des exemples d’addition ou des inventions , et l’effet global, qu’il soit intentionnel ou non, était de diminuer l’importance du christianisme. Récemment, plusieurs professeurs d’histoire ont commencé à révéler ces additions les appelant mythes . Au centre de ces mythes est la notion évolutionniste que l’humanité a fait du progrès. Chaque période de l’histoire a eu ses aspects négatifs et positifs et les historiens libéraux ont produit cette illusion de progrès depuis la période de la Renaissance. Ils ont réussi ceci en mettant de l’emphase sur les aspects négatifs de la chrétienté comme l’Inquisition et le mythe de la terre plate, et en appelant la période chrétienne l’âge de l’ignorance (Moyen Âge) . Les aspects positifs, tels que l’origine chrétienne des écoles, des hôpitaux et des universités et le support chrétien pour les sciences, sont rarement mentionné. En racontant l’histoire de cette façon, on laisse l’impression que le progrès est venu seulement après la Renaissance. Alors qu’il y a eu de grands sauts technologiques, l’humanité ne s’est guère améliorée dans sa façon de traiter l’humain et sa compréhension de ses origines et de sa destinée a régressé et non progressé. Dans cet article, nous allons étudier le mythe de la terre plate et rendre hommage au livre de J.B. Russell, professeur d’histoire à l’Université de Californie.


Un des livres les plus reconnus qui a été publié en Amérique depuis dix ans est un livre d’histoire intitulé The Discoverers (Les Explorateurs) par Daniel Boorstin, ancien président de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis à Washington. Concernant l’histoire de la perception que l’homme avait de la géographie du monde, il affirme ceci :

En Europe, un grand phénomène d’amnésie académique…a affligé le continent de 300 ans ap. J-C à 1300 ans ap. J-C. Durant ces siècles, la foi Chrétienne et ses dogmes ont supprimé l’image pratique du monde qui avait été si lentement, si soigneusement et si scrupuleusement dépeinte par les anciens géographes.


Boorstin démontre comment les Grecs connaissaient le fait que la terre était une sphère et comment ils avaient calculé sa circonférence de très près. Il a appelé le temps qui suivait amnésie académique , la grande interruption et il ajoute que durant cette période d’ignorance, l’ancienne notion que la terre était plate à été réintroduite par des versets bibliques. Il cite comme autorité de l’église Cosmas Indicopleustes. Le récit historique de Boorstin est typique de plusieurs auteurs, cependant les faits démontrent qu’il en est autrement.


Un des premiers pères de l’église auquel est attribuée la notion que la terre est plate est l’Africain Lanctancius (245-325 ap. J-C). Cet homme était un rhétoricien professionnel à Sicca et s’est converti au christianisme alors qu’il était dans la quarantaine. Il a écrit des livres pour défendre ses croyances, mais était encore sous l’influence de son ancien professeur, Arnobius, et de ses idées païennes. Par exemple, il soutenait la doctrine de l’anéantissement et croyait que Jésus et Satan étaient des jumeaux métaphoriques. Il rejetait tous les philosophes grecs et, par conséquent, rejetait le fait de la terre sphérique. Il maintenait que la terre était plate. Pour ces raisons, ses points de vue étaient considérés hérétiques par les pères de l’église et son travail fut totalement ignoré jusqu’à la Renaissance. C’est durant cette période que certains humanistes l’ont ranimé comme modèle de latin recherché. Naturellement, sa position de la terre plate fut aussi ranimée.

Cosmas Indicopleustes

Parmi les pères de l’église vint ensuite un chrétien grec, Cosmas Indicopleustes, qui écrivit au sixième siècle et qui était excentrique. Il maintenait que la terre était plate et qu’elle était placée sous les cieux qui consistaient en une arche voûtée rectangulaire. De même, il rejetait les philosophes païens et l’idée d’une terre sphérique, et son travail était catégoriquement rejeté par les pères contemporains de l’église. Cosmas tomba dans l’obscurité jusqu’en 1706 alors que son travail fut traduit du grec au latin; en 1897 il fut traduit en anglais. La plupart des historiens libéraux maintenaient que sa position était typique de celle des pères de l’église . Comme nous venons de voir, Boorstin a simplement suivi le modèle des autres sans vérifier les faits. Il faut noter que la majorité des pères de l’église n’ont pas traité du sujet de la forme de la terre, mais ceux qui en ont traité, comme Augustine et Origen, croyaient qu’elle était ronde et dans le contexte elle était sphérique, mais ils doutaient de l’existence d’humains aux antipodes.


Carte Cosmas Indicopleustes

Après ces écrivains des quatrième et sixième siècles, rien de plus ne s’est fait entendre concernant la terre plate jusqu’en 1828, lorsqu’un écrivain américain, Washington Irving, a publié son livre sur Christophe Colomb. Washington Irving (1783-1859) est né à New York où il a vécu pendant trente-deux ans. Il était romancier et mieux connu comme l’auteur de Rip Van Winkle et Legend of Sleepy Hollow qui ont fait partie de son livre intitulé Sketch Book en 1820. Il quitta New York pour l’Europe en 1815 et ne revint pas en Amérique avant 1832. Durant ses voyages continentaux, il passa plusieurs années à Paris et trois années en Espagne où il fut engagé dans la marine. Durant son séjour en Espagne, il fut invité à traduire une collection importante de manuscrits se rapportant aux voyages de Colomb. Il utilisa bien son temps et au bout de vingt et un mois, il avait assemblé un excellent roman, car ce n’était qu’un roman, qui s’intitulait La Vie et les voyages de Christophe Colomb . Il fut publié en 1828. Il admit que ce livre était apte à inciter l’imagination . Le problème était que les lecteurs n’avaient aucune idée de où était la marge entre la vérité et l’imagination de l’auteur. Le thème de la narration était la victoire du raisonnement sur l’ignorance et la superstition. La scène qui démontre cette victoire est celle de la confrontation entre Colomb et les autorités religieuses au Conseil de Salamance. Colomb devait, en effet, présenter un cas bien fondé pour financer son projet. Cependant, le point important n’était jamais, comme le prétendait Irving, un conflit entre un croyant solitaire qui supportait la position d’une terre sphérique et la majorité des autorités de l’église qui pensaient que la terre était plate. Colomb avait faussé ses chiffres pour faire croire que la distance entre l’Europe et le Japon était moindre que la réalité. À ce moment-là, personne n’était conscient que le continent d’Amérique se situait à mi-chemin. L’argument au Conseil de Salamance concernait les chiffres de Colomb et non pas la forme de la terre. Irving avait inventé un argument fictif et complètement différent de la réalité et a terminé son roman par le retour du héros qui confond les autorités en n’étant pas tombé en bas de la terre. C’est le récit de Irving touchant le voyage de Colomb en 1492 qui s’est infiltré dans la presse populaire du temps. En réalité, Irving a conçu son roman pour susciter des ventes, mais il fallait incorporer des aspects plus académiques pour intéresser les personnes instruites. Six ans après la publication de son oeuvre sur Colomb, Antoine-Jean Letronne, un érudit de Paris, a publié un travail qui était plus acceptable pour des fins de citation.

Antoine-Jean Letronne
Antoine-Jean Letronne

Antoine-Jean Letronne (1787-1848) a étudié à l’Institut de Paris sous Edmé Mantelle peu après la révolution de 1789. L’Institut qui enseignait le progressisme et les enseignements sceptiques de Voltaire et Mentelle s’est attiré beaucoup d’attention grâce à la publication de son oeuvre qui affirmait que Jésus-Christ était un imposteur. Ceci était l’environnement dans lequel le jeune Letronne a reçu sa formation. Il a étudié le latin, le grec et les mathématiques et pris sa place parmi les érudits. Éventuellement, il a obtenu la chaire d’histoire au Collège de France. En 1834, il a publié un article de 32 pages dans la fameuse Revue des deux mondes sur les opinions cosmographiques des pères de l’église. Il a sans doute eu accès aux écrits de Lactantius et de Cosmas Indicopleustes qui étaient disponibles en latin depuis le siècle précédent. Dans son article, Letronne a fait comprendre que la position de Lactantius (une terre plate) était la position majoritaire des pères de l’église, incluant Augustine, Ambrose et Basil. Il disait que sous un tel supposé règne de folie, les astronomes étaient forcés de croire que la terre était plate. Cela était faux, mais en raison de sa position d’érudit, personne n’a vérifié ses sources d’information et le mensonge s’est répété d’érudit en érudit pendant les deux siècles suivants. À travers les informations fournies par Irving et Letronne, le mythe de la terre plate s’est répandu à travers la société en général – jusqu’au point où le mythe est devenu un fait bien connu .


Nous en arrivons maintenant à Draper et White, écrivains de la dernière partie de ce même siècle, qui propagèrent eux aussi le mythe de la terre plate. Né en Angleterre, John William Draper (1811-1882) était le fils d’un prédicateur Méthodiste, mais à un très jeune âge, il rejeta les croyances de ses antécédents méthodistes. Il vint en Amérique et devint directeur du collège médical de l’Université de New York. Il était convaincu qu’après la chute de l’empire romain, les affaires des hommes étaient tombées dans la main d’ignorants et d’ecclésiastes furieux, de parasites, d’eunuques et d’esclaves. C’était là l’âge de l’ignorance . Et si les prêtres déclaraient que la terre était plate, alors elle l’était, ou il y aurait une Inquisition qui aurait enlevé tout doute! L’oeuvre de Draper fut écrite alors qu’il avait 63 ans et elle fut dirigée en particulier contre l’église catholique romaine. Intitulée Histoire du conflit entre la religion et la science , cette oeuvre publiée en 1874 devint un grand succès. Aux États-Unis, il y eut 50 impressions aux cours des 50 années qui suivirent et le livre fut traduit en diverses langues.


Andrew Dickson White (1832-1918) grandit dans l’état de New York dans une famille anglicane. Comme c’est souvent le cas, il en vint à détester le christianisme qu’il connaissait. En 1865, il fonda l’Université Cornell, qui fut la première Université séculière aux États-Unis, et il en devint le premier président à 33 ans. Il était un éducateur, un historien et un diplomate actif ayant beaucoup d’antipathie pour l’église autant catholique que protestante.


En 1896, il écrivit une oeuvre en 2 volumes intitulée Histoire de la guerre entre la science et la théologie dans le monde chrétien . Tout comme Draper, White propagea l’idée d’une bataille continuelle tout au long de l’ère chrétienne entre les défenseurs de l’ignorance et les rationalistes éclairés. Son propre préjugé contre le christianisme l’a porté à choisir ses données d’une façon sélective et à inclure, prévisiblement, le mythe de la terre plate.

Alors que beaucoup de personnes ont perdu leur foi en raison des écrits d’hommes tels que Irving, Draper et White, il est néanmoins réconfortant de savoir que les encyclopédies suivantes présentent maintenant les récits véridiques touchant les voyages de Colomb : La Nouvelle Encyclopédie Britannica (1985), Encyclopédie Colliers (1984), Encyclopédie Américana (1987) et The World Book for Children (1989). C’est un bon début, mais il y a encore beaucoup à faire avant que l’étudiant moderne apprenne de ses livres d’histoire que la chrétienté a été au centre d’à peu près toutes les activités humaines de l’hémisphère occidental et qu’une compréhension de la doctrine chrétienne, ainsi que des doctrines qui s’y opposent, est nécessaire pour une bonne compréhension de l’histoire.

18 vues0 commentaire

Comments


bottom of page