Par Ian Taylor, B.Sc.
Le docteur J. Philippe Rushton, un professeur canadien de psychologie, s’est récemment vu propulser sous les feux de la rampe par sa prétention que les orientaux constituent la race la plus intelligente, la plus attentive aux lois et la plus réservée sexuellement, tandis que les noirs le sont le moins ; les caucasiens ou blancs se situent quelque part entre les deux (Dolphin, 1989). Pour comprendre les dires de Rushton et le pourquoi de ses avancés, il nous faut considérer un peu la base historique, ce qui nous amène en France au siècle dernier.
Peu connu aujourd’hui, le comte Arthur de Gobineau (1816-1882) a néanmoins la douteuse notoriété d’être considéré comme le père de l’idéologie raciste. Après avoir recherché, sa vie durant, les causes des guerres à leurs racines, il en est arrivé à conclure que les différentes races étaient inégales, et que parmi les supérieures se retrouvait la race blanche et en particulier la nation aryenne. Son ouvrage infâme, intitulé L’inégalité des races humaines, fut publié en deux volumes entre les années 1853 et 1855. Cet ouvrage serait probablement tombé dans l’oubli n’eût été du compositeur Richard Wagner qui a encouragé ces idées et directement inspiré Adolph Hitler. Arthur de Gobineau fut ainsi l’éminence grise responsable des politiques racistes de l’Allemagne nazie.
Charles Darwin avait inconsciemment donné appui a ces idées racistes par la publication en 1871 de sa Descendance de l’homme. Avec l’acceptation des vues de Darwin, la croyance a changé progressivement vers l’acceptation que l’humanité avait évolué à partir d’origines animales en différents lieux et temps. Ces origines différentes auraient subséquemment produit les différentes races dispersées de par le monde que nous connaissons aujourd’hui. On supposait naturellement que certaines d’entre elles avaient progressé plus rapidement que d’autres et, bien entendu, que la caucasienne avait pris la tête. Et comment au juste a-t-on mesuré ce progrès évolutif ? Puisque la principale différence entre l’homme et les singes supérieurs résidait dans la dimension du cerveau et dans l’intelligence, on a prétendu ipso facto que la mesure du volume cérébral serait une mesure de l’intelligence : plus l’évolution a joué, plus volumineux est le cerveau et plus grande l’intelligence.
Au siècle passé, il était courant pour des hommes de renom de faire don posthume à la science de leur cerveau. C’est ainsi que se sont accumulées des données qui semblaient confirmer les attentes. On a ainsi trouvé que des hommes brillants comme le paléontologiste français Georges Cuvier, et Ivan Turgenev, le romancier russe, supportaient magnifiquement la théorie avec des cerveaux de 30 % supérieurs au poids moyen. Le temps passant, cependant, il s’est avéré que des criminels avaient également des cerveaux plus gros que la moyenne. Tandis qu’on rationalisait pour éliminer chacun des cas non conformes, la situation devint impossible en 1924 avec le décès d’Anatole France. En tout point non conformiste, ce romancier français et prix Nobel avait un cerveau de 30 % inférieur à la moyenne (Gould 1981, 92). Les données brutales indiquaient que l’homme au sommet de ses réalisations intellectuelles pouvait avoir un cerveau pesant entre 1000 et 2000 grammes. La notion que la grosseur du cerveau était reliée à l’intelligence aurait dû disparaître de sa belle mort sur-le-champ. Mais pour certains, la croyance que l’homme a évolué à partir du singe était réellement trop propulsive pour être mise au rancart sur la base de simples faits, et c’est ainsi que persiste la foi darwinienne. En 1980, le professeur John Lorber a rapporté le cas d’un étudiant de l’Université Sheffield, étudiant socialement équilibré et d’un QI de 126, qui n’avait virtuellement pas de cerveau. Ce n’est évidement pas un phénomène médical isolé, et voilà que l’étendue des valeurs pour la grosseur du cerveau humain s’élargit pour couvrir la gamme de zéro a 2000 grammes (Lewin 1980, 1232).
Francis Galton
Francis Galton (1822-1911), le plus jeune des cousins de Charles Darwin, était un riche membre de la haute classe d’Angleterre. Il s’est convaincu que parmi les multiples races à différents stades de progrès il y en avait quelques-unes tout au sommet qu’il fallait à tout prix protéger de la “pollution” par la lignée inférieure. Il visait ainsi à développer et à maintenir cette race précieuse pour permettre que les dirigeants de la nation en soient issus; le mariage ne serait plus le résultat de simples vicissitudes, mais serait contrôlé rigoureusement d’après les lectures du compas et du chronomètre. La nouvelle science, appelée “eugénisme”, fut lancée dans les pages du journal Biometrika, édité bien sûr par Galton. En appliquant un bon raisonnement darwinien, il n’y avait qu’un pas à franchir pour passer du contrôle de ceux qui étaient à la hauteur de se reproduire à l’interdiction de procréer pour ceux qui ne 1’étaient pas. Des programmes de stérilisation volontaire furent introduits en Amérique durant les années 1920, puis en Allemagne par Hitler en 1934. Dans sa quête germanique d’efficacité, le parti nazi passa bientôt d’un programme volontaire à un programme imposé, puis décida que la complète élimination des bouches à nourrir inaptes était une façon plus positive d’aider le progrès évolutif de la nature. Après la seconde guerre mondiale, les crimes de guerre nazis contre l’humanité rendirent virtuellement tabou tout le sujet des races. De fait, l’euphémisme “groupe ethnique” fut substitué au mot “race”.
En 1969, Arthur Jensen fit une brave tentative pour réintroduire le racisme scientifique et présenta un argument qui, selon lui, montrait qu’en Amérique les noirs étaient intellectuellement inférieurs aux blancs. Sa thèse ne fut pas reçue avec grand enthousiasme. Cependant, 20 ans plus tard, la question des races fut soulevée de nouveau, cette fois par le professeur Philippe Rushton, de l’Université Western Ontario.
Le docteur Rushton a présenté son mémoire intitulé L’évolution biologique et les caractères transmissibles devant l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS) lors de son congrès de janvier 1989. L’essentiel de sa théorie c’est que les 3 principaux groupes raciaux ont émergé d’une race “hominoïde” commune, mais à des temps différents : les noirs voilà 200 000 ans, les caucasiens il y a 110 000 ans, et les orientaux il y a 41 000 ans. Rushton a embelli le vieux thème darwinien et galtonien d’une nouvelle torsion en proclamant que la fertilité était transmissible. Il fait remarquer qu’en les plaçant dans un ordre d’apparence évolutive, les huîtres produisent un demi-milliard d’oeufs par année, les poissons 8 000, les grenouilles 200, les lapins 12 et les singes un seul tous les cinq ans. Il fait ensuite le raisonnement que de façon similaire la fertilité d’une race humaine donnée est reliée au temps de son émergence de la lignée “hominoïde” : plus tard vient l’émergence, plus faible est la fertilité. Il établit un rapport entre la fertilité et les mesures de la réserve sexuelle et la grosseur des organes génitaux, tout en prétendant en même temps que la grosseur du cerveau, les pointages du QI, la vitesse de maturation et les performances de personnalité, suivent tous la même tendance. Sa conclusion c’est que les noirs constituent le groupe racial le plus âgé et qu’ils présentent les plus petits cerveaux, les plus gros organes génitaux, la plus forte tendance à la promiscuité sexuelle et le taux de criminalité le plus élevé, tandis que les orientaux se retrouvent à l’autre extrémité de 1’échelle. Les caucasiens se situent entre les deux groupes. Sa conclusion prophétique finale c’est que les orientaux de la bordure du Pacifique dépasseront éventuellement les caucasiens d’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest en performances économiques et scientifiques. (Rushton 1988 ; Dolphin 1989).
C’est effectivement toute une affaire et les réactions sont venues de toute part, les communautés scientifiques et ethniques étant outragées de la chose. En ce qui concerne la communauté scientifique, il y a eu division depuis longtemps sur ce qui a fait de nous ce que nous sommes. Comme individus, héritons-nous génétiquement de nos caractères ou sommes-nous le résultat de notre environnement ? En bref, est-ce la nature ou le milieu qui en est responsable? L’hérédité génétique, ou déterminisme biologique, est du pur darwinisme ; cette notion a dominé la science jusqu’à l’affaire Cyril Burt en 1979. On a trouvé que l’ouvrage classique de Burt sur des jumeaux visant à prouver que des caractères comme l’intelligence étaient hérités, était basé sur des données forgées (Gould 1981, 234). Cette école de pensée fut discréditée et des leaders tels que Hans Eysenck ne furent désormais plus les bienvenus dans les pages des journaux cotés. L’école opposée, celle du déterminisme comportementaliste, également basée sur le darwinisme, est couramment à la mode et ainsi les grands journaux refusent carrément de publier les travaux des déterministes biologiques. La théorie de Philippe Rushton est fermement basée sur l’hérédité génétique de cette école maintenant en discrédit. L’auteur a ainsi été obligé de publier dans un petit journal commencé en 1980 et édité, bien sûr, par Hans Eysenck. Les pandits de la science furent contrariés de ce que Rushton se soit arrangé pour que son travail soit présenté au prestigieux congrès de l’AAAS, donnant ainsi de la respectabilité scientifique à sa théorie. Si c’était un ballon d’essai pour réintroduire le racisme scientifique, alors le ballon est toujours en vol. Mais il est raisonnable de demander : y a-t-il quelque vérité dans ce qu’il dit et qu’est-ce que tout cela signifie?
En premier lieu, il est surprenant de trouver que la grosseur du cerveau soit toujours considérée comme une mesure de l’intelligence. En fait, à quoi cela rime-t-il que certaines races aient en moyenne le cerveau plus petit qu’une autre ou que ce soit les organes génitaux qui soient plus gros? Les données de Rushton montrent que les cerveaux des orientaux pèsent en moyenne 1351 grammes, ceux des caucasiens 1336, et ceux des noirs 1286. Il a déjà été démontré que des hommes très intelligents peuvent avoir le cerveau se situant n’importe où entre 1000 et 2000 grammes (ou même entre O et 2000), de sorte que ces 1égères différences dans les moyennes d’un type racial à un autre ne peuvent avoir aucune signification possible en ce qui concerne l’intelligence.
En ce qui concerne les organes génitaux, Rushton présente une savante analyse de la longueur, du diamètre et autres paramètres du pénis, et nos cousins de couleur s’avèrent les champions phalliques. Tout cela en vue de donner un faux support à la théorie que les noirs ont quitté l’arbre familial à une date antérieure et qu’ainsi, comme les huîtres, ils sont plus fertiles. Mais ce ne sont que suppositions sur suppositions. Bien sûr, personne ne connaît la condition du pénis du prétendu premier hominoïde, mais si la diminution progressive de la grosseur est une mesure du progrès évolutif, le singe d’aujourd’hui a évidemment fait plus de progrès que l’homme. Le professeur Rushton a également inclus les dimensions du sein et du fessier dans son évaluation de progrès, mais encore là les femmes caucasiennes et négroïdes sembleraient avoir été dépassées par le singe moderne.
Que peut-on maintenant dire de l’intelligence telle que mesurée par les différents tests de quotient intellectuel (QI)? Habituellement, ces tests sont menés par des techniques de questions et réponses et par l’opération à l’intérieur d’une limite de temps. Introduite en 1911 par Alfred Binet, la mesure de l’intelligence a été depuis longtemps sujet à débat. William Stern a réduit le test de Binet à un nombre partial QI par jonglage de chiffres, lui donnant ainsi l’apparence de respectabilité scientifique; le public en général a toujours été impressionné depuis. Quoi qu’il en soit, les problèmes de biais culturel du début ont été surmontés, et il fait peu de doute qu’en Amérique du Nord les orientaux obtiennent les meilleurs scores. Cependant, la différence de QI prétendue entre les populations blanche et noire est rendue confuse par des facteurs socio-économiques.
Quand on en vient à l’évaluation de la personnalité, du tempérament et de la réserve sexuelle, ceux-ci sont tous influencés par des facteurs sociaux dont Rushton ne semble pas avoir tenu compte. Par exemple, le fait d’être fécond et d’avoir de grosses familles n’a rien à voir avec la licence sexuelle effrénée. Certains ont de grosses familles pour la raison bien pratique que les enfants servent de forme plus certaine de sécurité sociale que les promesses gouvernementales. L’Ouest a encore à apprendre cette précieuse leçon. Et puis encore, les familles asiatiques, et en particulier les chinoises, vivent à trois et même à quatre générations sous un même toit, parfois même dans une pièce unique. L’autorité parentale est respectée et tous apprennent de la sagesse accumulée par l’expérience. En contraste, les nord-américains considèrent comme un signe de richesse que chaque famille vive sous un toit séparé. L’autorité parentale n’est en conséquence qu’un symbole de ce qu’elle était et les leçons des erreurs doivent être réapprises à chaque génération. Ainsi, lorsqu’on en vient à comparer, disons, la promiscuité des races, il est clair qu’en dehors des questions de moralité inhérente, les chinois vivant sous un même toit ont moins d’occasions de promiscuité.
Dans leur longue liste de dures critiques contre l’ouvrage de Rushton, Zuckerman et Brody (1988) incluent la logique obscure, la sélection des données, l’analyse biaisée des données, et une revue sélective de la documentation, pour supporter les vues mêmes de l’auteur. Ils font également remarquer que les différences entre groupes raciaux sont souvent plus grandes que les différences dans les moyennes citées entre races. Ainsi, lorsque toutes les données sont prises en considération plutôt que des données sélectionnées, les différences dans la taille du pénis et du cerveau, par exemple, se rétrécissent à des proportions négligeables.
La recherche de Rushton a été soutenue par le Pioneer Fund, incorporé à New York en 1937, son but déclaré étant la réforme de l’immigration. La force motrice financière derrière le travail de Philippe Rushton est manifestement d’empêcher ce qui est considéré comme une race moins avancée de surpasser en nombre la lignée supérieure. C’est le hors-d’oeuvre naturel du legs de Darwin, vu ici comme créant un autre de Gobineau. En contraste, la vérité éternelle nous dit qu’à partir d’un seul homme, Adam, Dieu a fait toutes les nations des hommes (Actes 17.26).
RÉFÉRENCES.
Dolphin, R. 1889. Race and Behaviour. Maclean’s (Toronto) 102 : 44.
de Gobineau, A. 1966. The lnequality of Human Races. L.A.: Noontide Press.
Gould, S.J. 1981. The Mismeasure of Man. New York : W.W.Norton.
Jensen, J.A. 1969. How much can we boost IQ… ? Harvard Educational Review (Cambridge) 39 (Winter) : 1.
Lewin, R. 1980. Is Your Brain Really Necessary ? Science (Washington) 120 : 1232.
Rushton, J.P. 1988. Race Differences in Behaviour :… Personality and Individual Differences (New York) 9 : 1009.
Zuckerman, M. et N. Brody. 1988. Oysters, Rabbits and People : … Personality and Individual Differences (New York) 9 : 1025.
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